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Languedoc-Roussillon

12 avril au 3 mai 2012

Nous avions prévu traverser le nord de l'Espagne en visitant quelques sites d'intérêt mais voilà qu'il pleut averse, qu'il fait froid et que la météo nous prédit que cela va durer toute la semaine... aussi bien filer vers le sud de la France en espérant que ce sera mieux là-bas. On traverse donc en 2 jours l'Espagne grâce à des autoroutes tout récents et gratuits de surcroît. Il faut le souligner, le circuit autoroutier en Espagne est excellent, gratuit (sauf la côte méditerranéenne) et peu achalandé. Même si on ne privilégie pas voyager sur les autoroutes, il y a des moments, comme celui-ci, où c'est bien pratique.

Olargues
Rentrés en France, Biarritz et la côte basque sont aussi sous la pluie... à la prochaine, on repassera sous le soleil; on continue vers l'est direction Montpellier. Ce ne sera finalement qu'à l'est de Toulouse, dans le Haut-Languedoc qu'on retrouvera le soleil. On en profite pour quitter les grands axes routiers et se balader sur les petites routes des Cévennes au pied des Monts de L'Espinousse: Olargues, Bédarieux, Clermont-L'Hérault, de petits villages cévenols pittoresques qui nous ont bien plu.

Pézenas
À l'ouest de Montpellier, on s'arrête à Pézenas pour se faire raconter l'histoire de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière et de sa troupe, l'Illustre Théâtre. En effet, après des années d'errance et d'insuccès, Molière et sa troupe viennent à Pézenas en 1650 et ils y demeurent jusqu'en 1657, sous l'aile protectrice du prince de Conti. De retour à Paris, ils triompheront à la cour de Louis XIV. Pézenas est une cité d'art, un rendez-vous pour les artistes et les artisans. Aux côtés des magnifiques demeures seigneuriales et hôtels du 17e siècle demeurés intacts, on retrouve des ateliers et des échoppes le long des rues aux noms évocateurs : rue de la Foire, Triperie-vieille, Fromagerie-vieille.

Sète et ses canaux en bord de mer
Nous atteignons finalement la Méditerranée à Sète mais encore là, malheureusement, la pluie et un fort vent froid nous chasseront. Nous montons quand même jusqu'au Parc panoramique des Pierres Blanches et au point de vue de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Salette qui nous permettent de bien apprécier la situation de Sète, cette île-colline calcaire rattachée à la terre par deux étroites langues de sable et baignée d'un côté par le Bassin de Thau et de l'autre par la Méditerranée. Ville d'eau et de marins, patrie de Georges Brassens et de Paul Valéry, Sète mérite qu'on s'y arrête plus longtemps, on y reviendra donc sous un ciel plus clément.

Nous poursuivons notre chemin sur la côte languedocienne avec Aigues-Mortes, villes fortifiée, aux portes de la Camargue. La Place St-Louis nous rappelle que c'est d'ici que St-Louis et ses 1500 navires ont appareillé pour Chypre et la 7e croisade en 1248. La Tour de Constance, puissant donjon de 40 m de hauteur édifié à la même époque, domine la ville et les fortifications. Exploitées dès l'Antiquité, les salines d'Aigues-Mortes resteront longtemps l'une des principales ressources de la ville. La petite histoire raconte même que pendant la guerre des Cent Ans, les Armagnacs ont assiégé la ville alors sous l'emprise des Bourguignons. Les assiégeants réussissent à pénétrer dans la ville et massacrent tous les Bourguignons. Les cadavres sont si nombreux que, pour éviter la pourriture, on les entasse dans une tour en alternant couche de sel et couche de bourguignons ! À prendre avec un grain de sel... !

Petite diversion géographique, la Camargue se situe plutôt en Provence mais tant qu'à être si près, on ne peut s'empêcher d'aller y faire un tour...

«Vastes étendues où le ciel célèbre chaque jour ses noces avec la mer, chevaux blancs au galop, manades de taureaux noir dressant fièrement leur cornes en lyre, graciles silhouettes de flamants roses prenant soudain leur envol, gerbes d'écume : unique au monde, monde à part, la Camargue forme un univers à elle seule.»

Les Saintes-Maries-de-la-Mer dans leur barque
C'est aux Saintes-Maries-de-la-Mer, que débute notre découverte de la Camargue. Ville mythique pour les gitans, nous apprenons avec intérêt que le nom de la ville évoque l'arrivée à cet endroit, en barque vers 40 apr. J.-C., de Marie Jacobé, la fille du frère de Saint-Joseph, et de Marie Salomé, mère des apôtres Jacques et Jean. Lazare le ressuscité et ses deux sœurs, Marthe et Marie-Madeleine ainsi que Maximin et Sidoine, l'aveugle guéri, et Sara, la servante noire des deux Marie les accompagnaient, tous abandonnés en mer sur une barque sans voile, sans rames et sans provisions. La protection divine fit le reste... et la Provence sera évangélisée par ce singulier équipage. Les deux Marie et Sara restent en Camargue et, à leur mort, les fidèles placent leurs reliques dans l'oratoire qu'elles avaient édifié à leur arrivée. Elles y sont toujours et en octobre, lors de leur grand pèlerinage annuel, les gitans portent en procession jusqu'à la mer une sculpture représentant les Saintes Maries dans leur barque.

Flamant rose de Camargue
Mais la Camargue, c'est plus que de l'histoire religieuse, c'est aussi une géographie et une faune exceptionnelles ! Immense plaine alluvionnaire, la Camargue est le produit de l'action conjuguée du Rhône, de la Méditerranée et des vents : étangs, marais salants, rizières, cordons littoraux, lagunes et digues en forment le décor. Cet immense domaine marécageux abrite plus de 400 espèces d'oiseaux variant au fil des saisons : canards, hérons, ibis, aigrettes, mouettes, cormorans, passereaux, rapaces et, enfin, l'incontestable vedette, le flamant rose. Il vit en colonies de plusieurs milliers d'individus et se nourrit de crustacés et de coquillages. En avril-mai, c'est la saison des amours, nous avons donc pu voir les mâles faire la cour aux femelles et même s'accoupler !

Le fameux cheval blanc camarguais
Autre vedette, le cheval blanc camarguais, un cheval de travail reconnu pour son endurance et sa maniabilité. Les poulains naissent avec un poil sombre qui ne prend que progressivement la couleur blanche au bout de 4 ou 5 ans. Sa petite taille et son bon caractère en font aussi un excellent cheval de promenade.

Une manade de taureaux camarguais avec leurs cornes en forme de lyre
Enfin, les taureaux camarguais noirs, agiles, aux cornes en lyre sont aussi un emblème de la Camargue. Ils vivaient jadis à l'état sauvage avant d'être peu à peu rassemblés sur de grandes propriétés en «manades», troupeaux d'environ 200 têtes dirigés par un un «gardian».

Les salins au coucher du soleil

Après les Saintes-Maries, nous sommes allés à l'est de l'immense Étang de Vaccarès, sur le bord du Rhône à Salins-de-Giraud où se situent les plus grands «salins», ces vastes étendues préservées par des digues où on récolte le sel.

Au coucher du soleil, les salins se teintent de jaune et de rouge, magnifique spectacle !



Course camarguaise à Salins-de-Giraud
C'est dans l'arène de Salins-de-Giraud que nous avons pu assister aux fameuses «courses camarguaises», une expérience mémorable... Pas vraiment de rapport avec les corridas espagnoles si ce n'est qu'on lâche un taureau dans une arène, et là s'arrête la similitude. Ensuite, une dizaine de jeunes gaillards de format athlétique sautent dans l'arène et, à tour de rôle, démontrent leur bravoure en courant à toute vitesse pour la traverser, le taureau à leur trousse. Arrivés au mur entourant l'arène, haut d'environ 1m50, ils le sautent et vont s'accrocher aux gradins à l'abri des cornes du taureau. Absolument hilarant ! Lorsque le taureau vient bien près des fesses du coureur mais se butte finalement au mur et fulmine de voir sa proie hors de portée, la foule crie «OLÉ» !!! Après une période d'échauffement pour les coureurs et d'excitation pour le taureau qui gratte de plus en plus le sol avec ses pattes avant, le jeu se corse alors que les coureurs doivent retirer des rubans accrochés entre les cornes du taureau pour gagner la course... !!! Enfin, petite variante intéressante dans le jeu, certains taureaux sont aussi d'excellents sauteurs et n'hésitent pas à sauter le mur à la poursuite de leur adversaire !!! Là, c'est le délire total ! L'atterrissage n'est toujours pas des plus élégants ce qui laisse le temps à tous les coureurs qui se cachaient derrière le mur de sauter prestement dans l'arène pour se protéger. Avec un système de portes qui s'ouvrent et se ferment, on redirige le taureau vers l'arène et la course reprend de plus belle ! Sept taureaux se succèdent ainsi pendant 15 minutes chacun ce qui permet d'apprécier le caractère de chacun et de sélectionner les plus vaillants pour une prochaine course de plus haut niveau. Un spectacle vraiment original, drôle, captivant et pas sanguinaire du tout, on vous le recommande si vous passez dans le coin !

La fontaine des Trois Grâces et le Théâtre à Montpellier sur la Place de la Comédie
De retour en Languedoc-Roussillon, nous décidons d'attaquer Montpellier, la capitale de la région (288 000 habitants). Grand bien nous en fit, nous avons adoré. Nous débutons par l'esplanade Charles-de-Gaulle, belle promenade bordée de grands platanes et de cafés qui aboutit à la Place de la Comédie, grande place animée avec en toile de fond la façade du 19e siècle du Théâtre et la fontaine des Trois Grâces. Nous nous baladons ensuite dans les rues étroites et sinueuses du vieux quartier qui abritent de superbes hôtels particuliers du 17e et 18e siècle très bien conservés. Nous arrivons ainsi à la Cathédrale St-Pierre, une véritable forteresse du 14e siècle; c'est d'ailleurs la seule église de Montpellier qui n'ait pas été détruite durant les guerres de Religion. Elle paraît d'autant plus massive qu'elle est prolongée par la façade de la célèbre faculté de médecine attenante qui occupe un ancien monastère bénédictin. Dès le 12e siècle, on atteste l'existence d'écoles de médecine, de droit et d'art à Montpellier qui en font le prestige. Des élèves célèbres viennent y étudier, tel Rabelais.

Montpellier, l'Arc de triomphe de la Promenade du Peyrou
Autre site monumental de Montpellier, la Promenade du Peyrou, construite en 1688 pour accueillir une statue équestre de Louis XIV. La promenade comporte deux étages de terrasses et nous offre une vue splendide sur les Cévennes au nord et sur la mer au sud. La Promenade accueille aussi un château d'eau et un aqueduc long de 880 m et haut de 22 m. Enfin, l'Arc de triomphe construit à la fin du 17e siècle est décoré de bas-reliefs figurant les victoires militaires de Louis XIV

Sommières, les maisons sont bâties sur les arches du pont romain du 1er siècle
En route vers le nord et les Gorges du Tarn, nous faisons un arrêt technique à Sommières (lessive, épicerie, plein d'eau etc) mais on découvre avec plaisir qu'il s'agit d'une belle cité médiévale qui a conservé tout son caractère avec sa forteresse, ses portes fortifiées, sa place de l'horloge, ses arcades et son pont romain qui traverse le Vidourle. Le pont d'origine long de 190 m et doté de 17 arches fut construit par l'empereur Tibère au début du 1er siècle. Aujourd'hui le pont ne compte que quelques arches, les gens, au fil des ans, ayant construit des habitations sur le lit souvent à sec de la rivière et autour des arches du pont qu'on peut encore voir en ville. Lors d'une forte crue (qu'on surnomme «vidourlade»), le village est toutefois inondé...

Sur la Corniche des Cévennes
Au départ de Sommières, pour nous rendre à Florac et aux portes des Gorges du Tarn, nous empruntons la petite route sinueuse de la Corniche des Cévennes qui récompense le conducteur de ses efforts par des panoramas grandioses. Cette route a été aménagée au début du 18e siècle pour permettre le passage des armées de Louis XIV pénétrant dans les Cévennes pour lutter contre les camisards. Au fond des vallées, plein de petits villages perdus qui nous appellent mais bon, on ne peut pas tout voir, il faut faire des choix...


Florac au pied du Causse Méjean
Nous dormons à Florac, un autre joli village cévenol au pied des falaises et du Causse Méjean. Le terme «causse» réfère à ces grands plateaux arides situés à plus de 1000 m d'altitude et couverts de pierres grises; traditionnellement, le causse est le domaine du mouton qui s'accommode de la pauvreté de sa végétation. C'est un paysage sévère mais d'une grande beauté. Les maisons se groupent en hameaux pour se protéger du vent du nord et s'ouvrent vers le sud. Même en mai, il ventait très fort à St-Chély sur le Causse Méjean qu'on atteint après de multiples virages en lacets; le froid était transperçant, on imagine ce que ça doit être en hiver !

Les Gorges du Tarn et ses villages coincés entre la rivière et la falaise
En route pour le causse, panorama grandiose sur les gorges
Les Gorges du Tarn, c'est une succession ininterrompue de sites grandioses et de vues vertigineuses. Heureusement, en cette saison, le trafic n'est pas intense car à plusieurs endroits, le roc en surplomb nous oblige à emprunter la voie inverse ou c'est tout simplement trop étroit pour rencontrer un autre véhicule. La route, tracée au fond de la gorge, passe à travers de nombreux petits villages tout aussi pittoresques les uns que les autres. Avant la route, la circulation s'effectuait sur la rivière et les villages étaient bâtis sur les deux rives. Aujourd'hui, certains villages de la rive gauche ne sont accessibles qu'avec des bacs ou des nacelles sur câble d'acier tendu d'une rive à l'autre; le temps semble s'être arrêté dans ces villages maintenant isolés.

Sainte-Énimie
Sainte-Énimie est certainement le plus fameux des villages des Gorges du Tarn. Coincé à l'un des passages les plus resserrés des gorges, il s'étale en terrasses et longs escaliers et s'inscrit, à forte raison, comme l'un des plus beaux villages de France avec ses rues pavées en galets et son allure médiévale. Et, pour la petite histoire, Sainte-Énimie, qu'on ne connaissait pas, était la sœur du roi Dagobert (lui, on le connaît !). Repoussant les demandes en mariage les plus flatteuses des barons du royaume, elle désire se consacrer à Dieu mais le roi s'y refuse. Aussitôt, la lèpre atteint la princesse et écarte les prétendants. Les remèdes sont sans effet; dans une vision, un ange lui ordonne de partir pour une source qui lui redonnera sa beauté. La princesse se plonge dans cette eau miraculeuse qui fait aussitôt disparaître les traces de son mal mais lorsqu'elle veut reprendre le chemin du retour, la lèpre réapparaît. Le message est clair; elle se retire dans une grotte, fait bâtir un monastère et répand des bienfaits autour d'elle. Elle termine sa vie dans la sainteté aux environs de l'an 628; on l'enterre dans la grotte qui devient un lieu de pèlerinage où on voit se multiplier les miracles. Une belle histoire n'est-ce-pas ?

Enfin, un petit mot au sujet de la cardabelle, ce chardon aux longues feuilles épineuses.

On le voit souvent séché et cloué sur les portes des maisons caussenardes.

On croyait qu'il s'agissait d'une décoration, bien jolie par ailleurs mais c'est bien plus que ça... il s'agit en fait d'un baromètre ! Sa fleur s'ouvre et se ferme en fonction du degré d'humidité de l'air ! Intelligent n'est-ce-pas ?

Viaduc de Millau sur le Tarn
À la sortie des gorges du Tarn, nous dormons à Millau, désormais célèbre grâce à son élégant viaduc qui détient le record mondial du plus haut pilier (245 m.). Spectaculaire, ce viaduc multi-haubané, conçu par un architecte anglais, d'une longueur totale de 2,5 km, culmine à 343 m au-dessus du Tarn.

Les caves de Roquefort
À quelques kilomètres de Millau, un autre arrêt s'impose... Roquefort-sur-Soulzon, pour ses caves où le fameux fromage est affiné. Le village de Roquefort est construit au pied d'un éboulis de la corniche du Combalou. «Cet effondrement a laissé dans la roche des anfractuosités qu'on appelle ¨fleurines¨ d''une température et d'une humidité constantes. Elles sont à l'origine de la transformation des fromages en roquefort. Après leur fabrication dans les fermes-fromageries de la région (à partir de lait de brebis seulement), les pains de fromages sont disposés en longues files sur des étagères de chêne dans les caves naturelles aménagées. Grâce à l'air froid et humide soufflé par les fleurines, le champignon ¨Penicillium roqueforti¨se développe en donnant les marbrures vert bleu bien connues. Pour obtenir un bon roquefort, il faut au minimum 3 mois dont 15 jours passés dans les caves.» Évidemment comme toute bonne visite de cave, le tout s'est terminé par quelques achats : roquefort classique, fromage au lait de brebis et saucisson au roquefort... miam, miam ! ! !

Vallée de Roquefort-sur-Soulzon
Et, pour la petite histoire maintenant... le roquefort serait né des amours d'un berger et d'une bergère. S'étant donné rendez-vous dans une des innombrables grottes du Combalou, le jeune berger oublia son sac contenant un morceau de pain et du caillé de brebis. Quelques jours plus tard, lors d'un autre rendez-vous, le berger aussi amoureux qu'affamé, retrouva son sac; il en sortit un fromage couvert de moisissures vert bleu. Le fromage avait changé de goût et d'odeur mais les deux amoureux le mangèrent avec délice ! Ainsi naquit le Roquefort ! L'appellation d'origine du roquefort pourrait dater de plus de 5000 ans av. J.-C.